Cytomine, le Google Maps des images biomédicales
Une start-up liégeoise voudrait remplacer les microscopes dans l’analyse des prélèvements de cellule. Depuis plusieurs années, Cytomine, une start-up liégeoise développe une plateforme permettant l’analyse de photos dans le secteur biomédical.
Digitaliser les prélèvements de cellule
Lorsqu’un utilisateur ouvre Google Maps pour se diriger, il ne télécharge pas la carte de la terre entière, mais uniquement la partie qui l’intéresse. Cytomine suit le même principe. “En fonction de notre zoomage et de notre navigation, l’écran ne va faire apparaitre que les données nécessaires à notre recherche” explique Jean Beka, CEO de la plateforme.
En général, les prélèvements de cellules sont réalisés entre deux lames de verres. Une manipulation qui permet une inspection au microscope. En décrivant ce procédé, Jean Beka entend “tout ce qui est objet d’une analyse par microscope pour détecter des cellules cancéreuse ou pas”. Depuis plusieurs dizaines d’années, la technologie a permis de digitaliser ces lames.
“Cela existe depuis vingt ans, il y a déjà beaucoup d’acteurs dans le secteur de l’image médicale”
Révolutionner l’analyse de cellules
Pour Jean Beka, l’objectif aujourd’hui est de fournir des images de meilleure qualité au secteur biomédical. En effet, “dès le moment où l’on entre dans le biomédical, il est nécessaire d’avoir des résolutions importantes et une qualité d’image optimale”, ajoute le directeur. Les images sont donc larges et très lourdes en terme d’espace de stockage.
En 2010, l’Université de liège à donc développer Cytomine, une plateforme collaborative en ligne. Basée sur l’intelligence artificielle, son objectif est d’offrir la possibilité d’analyser ces images “énormes en pixels”. Sans cette aide précieuse, chercher un détail sur une image, “revient à chercher une tête d’épingle dans deux terrains de tennis”.
Après un spin off en 2017 pour commercialiser cette solution, Cytomine espère aujourd’hui révolutionner les habitudes et les conditions de prélèvements. “Analyser une cellule derrière un microscope est un travail solitaire”, raconte Jean Beka. D’après lui, digitaliser ce travail permet le partage, les annotations et la collaboration.
Des prélèvements intelligents
Généralement, un prélèvement de cellule est encapsulé avec des biomarqueurs entre deux lames de verres. Il est ensuite inspecté par le pathologiste au travers de son microscope avec des résolutions relativement importantes. Avec cette nouvelle technologie, la collecte de l’échantillon reste la même, “mais au lieu de passer la lame au microscope, on la scanne grâce à un scanner de lame” explique Jean Beka.
Une fois digitalisé, l’échantillon peut être analysé via la plateforme Cytomine, depuis un ordinateur lambda. L’utilisateur peut ensuite annoter, détourer, etc. L’intelligence artificielle permet de “trouver l’épingle dans les deux terrains de tennis”. Elle rend l’analyse plus rapide et plus précise. Le processus de validation du machine learning est réalisé par les experts de Cytomine. Les images de prélèvements sont stockées sur un navigateur.
Le browser n’augmente pas la résolution du scanner. Il existe différents types de scanner avec différents types de résolutions. Chaque fabricant de scanner a son propre format d’image. Un des attraits de Cytomine, “c’est que nous sommes compatibles avec la majorité de ces formats.
Promouvoir la collaboration
La plateforme Cytomine est utilisée dans l’enseignement, dans la recherche et bientôt au sein des hôpitaux.
Dans l’enseignement, et plus particulièrement en période d’épidémie et de confinement, Cytomine s’est présentée comme une solution pour le secteur de l’enseignement. “Au lieu d’inviter des étudiants dans une salle avec cinquante microscopes et cinquante prélèvements différents, notre plateforme permet le partage de la même image en distanciel”, se réjouit Jean Beka.
Cytomine est aussi exploitée par les laboratoires de recherches et commence à se déployer dans les hôpitaux. Mais le directeur est clair, “l’idée n’est pas que l’intelligence artificielle remplace les docteurs”. Le service est une aide au diagnostic. Pour Jean Beka, la plateforme Cytomine est un moyen simple de collaborer entre professionnels de santé. Il illustre, “grâce à notre service, un médecin bruxellois, s’il se heurte à un cas compliqué, peut consulter son confrère à new-yorkais, sans avoir à lui envoyer ses deux lames de prélèvements”.
Des données protégées
Face à cette énorme base de données, se pose alors la question des données personnelles. Jean Beka précise que toutes les images sont anonymisées. Un système de sécurité d’accès assure la confidentialité.
Selon leur profil, chercheurs, médecins et étudiants n’auront pas accès aux mêmes fonctionnalités et données. Il prend l’exemple d’une université utilisatrice de Cytomine, “pour son enseignement en pathologie, tous les étudiants et accès devront être vérifiés“. De même pour les laboratoires de recherche, seulement quelques chercheurs pourront accéder aux images. Concernant les hôpitaux, ils stockeront eux-mêmes leurs images sur un cloud privé ou sur celui de Cytomine. L’institution prendra ensuite la décision de les rendre publiques, ou pas.
“L’image est le carburant, que certains n’aiment pas partager”
D’ici quelques années, quatre à cinq millions de nouvelles images seront disponibles sur la plateforme. Cette base de donnée sera mise à disposition par Big Picture, un programme européen de développement de l’intelligence artificielle dont Cytomine est partenaire.
Le prochain défi de la start-up est d’obtenir une certification “médical device” pour permettre son utilisation en hôpital.