Partager son abonnement Netflix avec Spliiit, est-ce vraiment légal ?
Le partage d’abonnements en ligne est chose courante entre amis et membres de la famille. Cela permet de limiter les coûts, qui peuvent vite s’accumuler à la fin du mois. Spliiit est un service en ligne qui permet de partager ses abonnements avec de parfaits inconnus, mais a-t-on vraiment le droit de le faire ?
L’application Spliiit est née en 2019 de l’esprit de 3 français, cette plateforme a pour but de partager une ribambelle d’abonnements entre amis, famille ou avec de parfaits inconnus. On y retrouve plusieurs dizaines de souscriptions. Cela va des comptes de SVOD comme Netflix, Amazon Prime ou Disney+ à des services de streaming audio comme Spotify, Deezer et Apple Music, en passant par des services de sécurité informatique, de cloud, de gaming ou d’actualité.
L’offre de Spliiit est donc alléchante et ne propose pas que des médias français. La Belgique n’est pas en reste et on y retrouve également Le Soir, La Libre ou encore L’Écho (dont l’abonnement est particulièrement onéreux de base). Les possibilités de partage prennent différentes formes, en fonction de ce que le service initial propose. Ainsi, des licences familiales comme celles de Spotify permettent d’être partagées par un lien d’affiliation. Mais d’autres comme Netflix ou le Playstation Network nécessitent le partage du mot de passe, et donc l’accès unanime des utilisateurs à l’administration du compte.
Pour bénéficier des services de Spliiit, il suffit de s’inscrire. Ensuite, on peut soit se constituer en vendeur pour rentabiliser son compte, soit en acheteur. Un marketplace met les intéressés en relation. La souscription à un compte Netflix familial (4 personnes) vous coûtera, par exemple, environ 4,55 € par mois, au lieu de 15,99 €. L’offre est avantageuse également pour la personne voulant partager son compte qui paiera le même prix réduit. Cela fait tout de même 137 € d’économie à l’année ! De plus, Spliiit propose de réinvestir directement l’argent économisé dans d’autres services partagés. Spliiit est rentable pour tout le monde, même pour l’entreprise elle-même. Le service ne taxe pas les propriétaires de comptes, mais charge 35 centimes par souscription et 5% du prix payé.
Qu’en pensent les services concernés ?
Pour l’instant, la solution semble arranger tout le monde, mais qu’en est-il des plateformes ? Tout cela dépend de leurs conditions générales d’utilisation (CGU). Pour certaines d’entre elles, cela ne pose pas de problème et Spliiit serait même en discussion avec. Pas sûr toutefois que tous les services voient l’émergence de Spliiit comme une initiative positive…
Les conditions générales de Netflix, YouTube Premium et Spotify précisent que les abonnements ne peuvent être partagés qu’entre les membres d’un même foyer. Netflix indique dans ses CGU : « tout contenu regardé via le service, est réservé à un usage uniquement personnel et non commercial et ne doit pas être partagé avec des personnes extérieures à votre foyer ». Mais la firme ne fait en réalité pas grand-chose pour contrer le partage de comptes. Il reste tout à fait possible de partager le sien à des centaines de kilomètres de distance sans subir de préjudices, alors que la plateforme est parfaitement au courant. Un système de double authentification a été déployé en mars, mais cela n’empêche en rien le partage de comptes si les utilisateurs communiquent entre eux.
Le service de streaming musical Spotify est plus sévère. Il arrive que des utilisateurs membres d’une souscription « famille » (jusqu’à 6 personnes) doivent prouver qu’ils habitent bien à la même adresse, au risque que leurs comptes personnels se voient déclassés à l’offre gratuite. Si Netflix est plus laxiste, la plateforme possède toutes les informations nécessaires pour appliquer une politique stricte quand le temps sera venu. D’autant plus qu’il y a une réelle montée en puissance des plateformes concurrentes. Pour Disney+, la situation est à peu près la même que chez Netflix, à la différence que rien n’interdit le partage de comptes dans les CGU. « Nous avons créé une technologie en interne que nous utiliserons pour comprendre le comportement. Et, si nous voyons un comportement qui n’a pas de sens, nous avons des mécanismes pour régler la situation », indiquait Michael Paul, responsable streaming chez Disney. Toutes les plateformes de streaming vidéo semblent ainsi disposer des outils nécessaires pour en finir avec le partage de comptes, mais personne n’appuie sur la gâchette.
Que se passerait-il si c’était le cas ? Difficile à dire exactement. Du côté des utilisateurs, le non-respect des conditions d’utilisation romprait légalement le contrat entre eux et la plateforme, les comptes perdraient leurs souscriptions ou seraient bannis. Par peur de perdre leurs clients, les plateformes seront toutefois tentées d’éviter ces mesures restrictives.
Ni légal ni illégal
Légalement, c’est plutôt l’entreprise Spliiit qui est exposée à des procès. Elle pourrait être accusée de faire du recel, en faisant du profit sur des fonctionnalités contraires aux désirs de certaines plateformes. Lorsque Netflix indique dans sa CGU que son service est « personnel et non commercial », cela indique clairement qu’on ne peut pas créer de la valeur en sous-louant un compte. Netflix pourrait donc théoriquement attaquer en justice toute personne le faisant, et donc Spliiit.
De son côté Spliiit surfe sur une zone grise juridique, et participe à ce qu’on appelle le marché gris : pas vraiment légal, mais pas vraiment illégal non plus. Le service se définit comme le BlaBlaCar – service de covoiturage – de l’abonnement, qui ne met que des utilisateurs en relation et gère les paiements. Jonathan Lalinec, cofondateur du site expliquait d’ailleurs en 2019 au journal Le Parisien avoir conscience de ces risques, le service se dédouane donc le plus possible : « Évidemment quand on s’est lancé, on s’est demandé si Netflix ou Spotify n’allaient pas nous tomber dessus. On a travaillé avec un conseiller juridique. Nous sommes juste un service de transaction de paiement. Et nous indiquons bien aux utilisateurs qu’ils doivent respecter les conditions générales d’utilisation des différents services », expliquait-il. Les conditions d’utilisation de Spliiit sont donc adaptées en conséquence : « nous sommes un intermédiaire financier (agréé par l’ACPR), comme PayPal, Lydia ou les banques classiques, et nous ne sommes donc pas responsables du partage d’argent qui est fait sur leurs plateformes », poursuivait Jonathan Lalinec.
Selon Spliiit, c’est donc le client qui est responsable lorsqu’il enfreint les CGU des plateformes. Ce dernier ne court, pour rappel, pas vraiment de risques graves. Le site se contente de sécuriser les transactions et d’assurer une « gestion simplifiée de vos comptes ». Mais, la position de Spliiit reste ambiguë, car il incite tout de même le client à : « ne plus avoir besoin de convaincre ses amis ou sa belle-sœur de s’abonner au même service que lui », comme indiqué sur le site. De plus, Spliiit met en place un marketplace pour faciliter les contacts entre inconnus. L’entreprise jouit d’un flou juridique, mais n’est pas à l’abri de la foudre des grandes plateformes et autres services figurant sur le site.
S’il n’y en définitive pas grand chose à craindre pour votre compte Netflix si vous utilisez Spliiit, d’autres plates-formes posent plus de risques.Certains partages de souscriptions vous obligeront à partager un mot de passe, ou même parfois un service de cloud commun, avec des parfaits inconnus. Evitez de prendre le risque avec un compte Microsoft ou PlayStation. Un individu malveillant pourrait en effet vous éjecter de votre propre compte en réinitialisant le mot de passe. Vu les vases communicants, il vaut mieux éviter le partage de comptes sensibles, comme un compte Microsoft, qui pourrait potentiellement donner accès à votre Outlook, votre OneDrive, vos jeux Xbox ou encore vos documents Word.